Analyse jurisprudence
Déposer une offre est un exercice qui requiert toute l’attention de l’opérateur économique. Il doit notamment veiller à ce que son offre ne soit pas déclarée irrégulière. Prend-t-il des risques lorsqu’il vient modifier les quantités présumées prévues dans le métré ou l’inventaire ?
Analyse de jurisprudence n°261.635 du 3 décembre 2024
Le soumissionnaire peut-il adapter les quantités présumées fixées par le pouvoir adjudicateur dans son cahier spécial des charges ?
Le Conseil d’Etat s’est penché sur cette question dans un arrêt opposant la SA X..E..H.. à la commune de Baelen (CE n° 261.635 du 3 décembre 2024). Il s’agit d’un accord-cadre de travaux relatif à l’entretien des voiries. Le marché est passé en procédure ouverte et le prix est le seul critère d’attribution.
Dans le cadre d’une demande de justification de prix anormaux, la société Y..Z..C.. et Fils a répondu que ses prix paraissaient anormaux car ils ont été établis sur une quantité présumée de 1.000 m2 au lieu des 100 m2 prévus dans le métré car « ce type de travail d'enduisage ne se fait en pratique pas sur des surfaces aussi réduites que celle mentionnée au métré ». Le pouvoir adjudicateur a accepté cette justification et a attribué le marché à cette société.
La partie requérante estime que les justifications de prix transmises par la société ayant Y..Z..C.. et Fils sont inadmissibles et ne permettent pas de comparer les offres. Le pouvoir adjudicateur devait donc écarter l’offre pour irrégularité substantielle. De plus, elle estime que la motivation de la commune de Baelen est inadéquate.
Le Conseil d’Etat rappelle que « les quantités présumées dans un métré récapitulatif servent à permettre aux soumissionnaires d'établir des prix unitaires forfaitaires qui sont comparables au moment de l'attribution du marché. La comparabilité des prix unitaires des postes n'est donc assurée que si les soumissionnaires calculent ces prix sur la base des quantités présumées exprimées dans le métré récapitulatif ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que « des prix unitaires établis sur la base de quantités présumées différentes ne sont pas comparables, même en appliquant une règle de calcul proportionnel, puisqu'un prix unitaire devient en principe proportionnellement plus bas, plus la quantité présumée est élevée [..] une modification des quantités présumées par un soumissionnaire (ou par le sous-traitant de celui-ci) est en soi de nature à altérer la comparabilité des prix unitaires y relatifs ». Le pouvoir adjudicateur a donc commis une erreur manifeste d’appréciation en déclarant que les prix remis par la société Y..Z..C.. et Fils étaient, finalement, normaux alors qu’ils ont été établis sur la base de l'offre d'un sous-traitant qui n'a pas respecté les quantités présumées pour ces postes.
Le Conseil d’Etat suspend la décision d’attribution du marché.